-- Qui voilà ?
L'assistant du projectionniste arrivait, ayant enfin rattrapé son patron, un retard causé peut-être par son âne, qui portait au front des marques d'insatisfaction, peut-être parce qu'il avait, cet animal, été retenu au village par quelque amourette ou autre rixe ou même encore que son jeune gardien l'avait battu pour une peccadille de cette nature. En tout cas d'apparence butée et salie, il portait l'assistant en laissant couler de ses sabots de petites flaques mécontentes. Aurait-il été plus rapide, on aurait pu peut-être oublier que le projectionniste n'était pas vraiment le prisonnier de Salomon Mahoud, que le Vert n'était pas absolument là où il était censé être et qu'à bien y regarder, on se dirigeait certainement vers l'aéroport, où le projectionniste aurait tout le temps de vendre les images de son catalogue aux boutiques de souvenir, et certainement pas vers l'endroit où le pauvre Vert avait été enlevé, s'il s'appelait vraiment de ce nom, s'il avait vraiment été enlevé, s'il était celui qu'il n'avait jamais prétendu être, si Salomon Mahoud l'avait bien vu, si la Mort n'emportait pas tout le monde sans prévenir.
-- Tu ne veux pas venir avec nous à l'aéroport? Tu y trouveras peut-être Le Vert, demanda le projectionniste. Comment s'appelle l'endroit où nous sommes?
-- Le lieu-dit est Lattache, regarde là-bas tu comprendras pourquoi. Ton assistant a fait fuir Le Vert, tu sais ça? mais il reviendra. Cet endroit est béni. Est-ce que tu le sens?