La Sugne

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Ptère entourée de montagnes Longtemps, oui. Très longtemps.

Longtemps l’emplacement de la vallée dans une oasis de sécheresse aux longs canaux.

Les Ptèrotes – issus de la terre elle-même – aiment regarder leurs barrages.

Tout de même: la crainte vient mêlée d’indignation. Ça fuit.

Où est le coupable ? Est-ce l’ingénieur qui s’est endormi devant la console de ses commandes ?

 

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« Oui », disent-ils, « nos corps se sont habitués à notre environnement. Considérez, chez le gorille, la forme en obus de son crâne, et chez la girafe, les tache brunâtres du pelage : vous verrez que ces grands pieds que nous avons nous ont été aussi nécessaires, et que c’est bien un moindre mal, si on trouve dans nos rues toute sorte d’animaux écrasés par ces pieds qui sont un peu gênants à cause de leur développement. Ces pieds, ils sont un patrimoine et furent autrefois aux petits et aux faibles des détroits de Béring. »

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C’est plaisant de noter par années les inondations de la Sugne, à Ptère : mais y a-t-il à Ptère moins de bêtes sauvages qu’ailleurs, moins de nature, plus d’artifice et de maladies, pas du tout. Migrations de glands, de pollens, les Ptèrotes les suivent par abeilles interposées – seules les fourmis d’altitude semblant résister à leurs traçages, et n’apparaissent donc pas sur les cartes photodoriférantes des espaces publics. Sans doute, sans les contorsions de la Sugne, i-non-da-tions, le chaos n’aurait pas régné à l’Est, le point cardinal de tout ennui. Il a fallu protéger Ptère coûte que coûte. Il a fallu nécessairement que le surplus d’eau, les années grosses, aille quelque part où les dégâts fussent moindres. Alors ensuite les ingénieurs et les ouvriers ptèrotes ont été attaqués par des foules surgies de nulle part. Décès.

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Quel paradoxe ! Les Ptèrotes amenaient-ils pas la sécurité, l’énergie, au plus grand nombre – au prix de quelques champs qui ne rapportaient rien. Il est indéniable que l’eau est descendue aussi sur certaines plantations de mûriers dans les piémonts ; leurs riches propriétaires, ces planteurs, déçus de voir le profit diminuer, ont rameuté leurs serfs, ou quoi en tient lieu, et croyant qu’on allait les laisser faire, les ont lancés sur les installations ptèrotes comme à la curée. Ils en furent pour leurs frais. L'histoire est pleine de leur défaite.